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" J'avais un peu plus de sept ans (...), les Allemands nous avaient expulsés de Lorraine. Nous étions venus à Oradour où j'ai perdu mon père, ma mère, trois soeurs, un frère. Ma plus jeune soeur avait trois ans. Ces sales boches l'ont jeté dans les flammes. (...) . Six Allemands m'ont couru aprés. Mais j'étais si petit ... Je suis decendu vers la Glane. J'ai plongé. Quand les Allemands sont arrivés, j'étais couché sur l'autre rive. Leur rage fut telle de m'avoir perdu qu'ils tuèrent un petit chien qui se trouvait là ..."  (Roger Godfrin, seul rescapé de son école, au procés qui se déroula en Février 1953 devant le Tribunal Militaire de Bordeaux.)

 

ORADOUR-AERIAL-COLOR.jpg 

 

Oradour - Sur - Glane est une bourgade de la Haute-Vienne proche de Saint-Junien ... Ce qui s'y passa le 10 Juin est connu du monde du monde entier et a été raconté dans à peu prés toutes les langues. Nous nous bornerons donc à rappeller quelques détails, quelques chiffres ... Combien de personnes y a t'il eu vraiment dans l'église? écrit Jens Kruuse. Nul ne le sait avec précision, les évaluations diffèrent, mais elles varient toutes entre quatre et cinq cent. Il y avait 350 places assises. Les Allemands refermèrent les portes et organisèrent une surveillance sévère. Des SS patrouillèrent à l'extérieur. D'autres, mitraillettte au poing, les jambes écartées, prirent place dans la nef. Ils durent s'écarter pour laisser passe deux soldats. Madame Rouffanche a été frappée par leur jeunesse, elle qui était mère et grand-mère. Ils portaient et trainaient une sorte de lourde caisse qu'ils abandonnèrent là où commence le choeur. Des mèches blanches en sortaient. Les SS les laissérent traîner sur le sol de l'église, mais demeurèrent à proximité, montant la garde. Un coup de feu résonna sur le champ de foire. Les deux soldats se penchèrent et allumèrent les mèches blanches. Puis ils descendirent la nef en courant pour rejoindre d'autres SS qui entraient au même instant dans l'église, armés de mitraillettes et de grenades. De la caisse, une fumée épaisse et noire commença à se dégager. Les SS armèrent leur mitraillettes et saisirent les grenades qu'ils portaient au ceinturon. Un cri, une plainte angoissée, désespérée, s'éleva; des enfants se mirent à pleurer, des mères suppliaient. Et l'on entendit cette clameur loin dans le village. La fumée montait de plus en plus. Du dehors résonnèrent soudain des coups de feu, des cris, ceux de leurs pères, de leurs maris, de leurs fils, qui couvrirent un instant les leurs. puis ce furent les premières salves, les premiers des trous qui criblèrent les voitures d'enfants, les premières mères qui moururent." 

Un peu plus loin, l'historien danois poursuit: " Les Allemands entassaient sur ces femmes et ces enfants blessés qui criaient et sanglotaient de douleur et d'effroi tout ce qu'ils pouvaient trouver de matériau combustible: paille, foin, débris de bois, chaises. La fumée était de plus en plus épaisse. Grâce à elle, Marguerite Rouffanche parvint à gagner le recoin derrière le maître-autel. Il y avait là, assez haut, trois fenêtres et un petit contrefort jste sous celle du milieu. (...) Dans l'église, le vacarme devenait insoutenable: les femmes et les enfants hurlaient , le feu prenait partout, les explosions de grenades et rafales de mitraillettes se succédaient sans interruption. Mme Rouffanche, dans un élan de désespoir, trouva la force de grimper jusqu'à la fenêtre du milieu, de s'y hisser. Le vitrail était brisé. Elle se jeta au dehors. (...) Dans l'église était complétement brûlé et la voûte s'effondra bientôt. Les cloches fondirent et s'effondrèrent sur les dalles du sol. Autels, murs, voitures d'enfants, confessionaux, tout était criblé de balles. (...) A deux kilomètres d'Oradour, un homme a pu entendre la grande clameur qui s'élevait de l'église. On a retrouvé au bas du talus le cadavre de la jeune femme qui avait voulu sauver son bébé en le jetant de la fenêtre par laquelle Mme Rouffanche s'était échappée. L'enfant, une petite fille de huit mois, avait disparu. Quelqu'un a eut l'idée de regarder dans les W.-C. primitifs du prêtre, une cabane située entre l'abside et le potager. Le bébé était là, dans le trou, sous le siège. Son crâne était éclaté et le cerveau en sortait. Sur le mur, il y avait une grande tache de sang."

[...] Nous avons, à propos d'Oradour, cité le total de 642 victimes. Il est utile de préciser comment on est parvenu à ce chiffre. Jacques Delarue l'explique très bien : "pendant fort longtemps les Allemands interdirent l'approche d'Oradour, n'autorisant que l'entrée des équipes médicales et des secouristes de la Croix-Rouge, chargées de l'inhumation des corps calcinés. Ces secouristes étaient presque tous des prêtres et des séminaristes, ils avaient à leur tête l'abbé Philippe Schneider. L'équipe médicale conduite par les docteurs Bapt et Benech, une équipe de déblaiement fournie par la Défence passive et dirigée par le commandant de Praingy, joingnant leurs efforts à ceux des secouristes pour cette terrible tâche, parvinrent en une semaine à relever tous les restes humains épars dans le village. cinquante-deux corps seulement purent être identifiés, le plus souvent à l'aide d'objets dont ils étaient porteurs. Le chiffre exacte et certain des morts n'a jamais pu être établi, en raison de l'état des corps. Leur dispersion achevait de rendre la tâche impossible. Le puits Picat, par exemple, était rempli de cadavres que l'on ne put extraire. Il fallut le remplir de chlorure de chaux. Le bilan établi finalement, sans aucun doute inférieur à la vérité, s'éléve à 642 victimes. Il y avait parmi elles 54 réfugiés lorrains. L'incendie avait détruit 254 édifices, dont l'église, la gare, 4 écoles et 123 maisons d'habitation. Avec beaucoup de peine, Léon Roubérol parvint à retrouver 36 survivants, mais presque tous devaient leur vie au hasard qui les avait fait s'absenter d'Oradour..."

 

MME-ROUFFANCHE.jpg

 

 

Aprés Oradour, les autorités allemandes vont primo mentir, secundo féliciter les criminels, tertio "punir" en quelque sorte la population en durcissant encore les "mesures d'ordre", quarto enfin montrer par un comportement proche de la désinvoluture qu'à leurs yeux tout ce qui s'est passé est normal et ne les gêne pas le moins du monde.

 

Le mensonge... Il éclate dans ce que l'historien danois Jens Kruuse, appelle " la version que l'état-major de liaison du général von Brodowski a fait sienne sur compte-rendu de certaines unités, ou a voulu faire sienne". Kruuse rapporte cette version en précisant: " Elle date du 14 Juin et est inscrite sous le numéro 54 dans le "journal de guerre": "Communication téléphonique d'Oradour (30 kilomètres de Limoges): 600 personnes tuées (...) Toute la population mâle d'Oradour a été fusillée. Les femmes et les enfants ont cherché refuge dans l'église. Le feu s'est communiqué à l'église. Dans l'église, présence de dépot secret de munitions. Toutes les femmes et tous les enfants ont été tués." Et l'excuse la plus fausse figure dans le journal du régiment lui même, à la date du 6 Juin 1944. Il nous apprend qu'Oradour a d'abord été encerclé puis que (...) " le village a été incendié aprés perquisition" parce qu'on a trouvé " dans presque chaque maison" des stock de munitions! " Le point d'exclamation est de l'historien danois. 

Les félicitations ... C'est également un de leurs officiers qui les leur donne, puisque, dans le " journal de guerre " du général von Brodowski que nous avons déjà mentionné, on peut lire à la date du 17 Juin 1944: " Le commencement des mesures de représailles a provoqué un soulagement sensible et a très favorablement influencé le moral de la troupe."

La "punition de la population" ... Dans un ordre du jour datant du 17 Juin 1944, le général Johannes Blaskowitz comme le souligne Jens Kruuse, " commence par rappeller qu'il a exigé de combattre les terroristes durement et impitoyablement et fait observer ensuite qu'il peut être difficile pour la troupe d'établir une distinction entre ces terroristes et les pacifiques citoyens français " qui sympathisent largement avec nous " ; aussi peut on malaisément éviter les erreurs qui, de temps en temps , frappent un innocent. " [...]

Le chef de l'unité SS directement responsable du massacre d'Oradour, le Sturmbannführer Dickmann a t'il pu croire qu'il agissait selon son devoir? interroge Kruuse puis poursuivant:  " du quartier général du Fürher, Keitel avait émis l'ordre d'abattre les résistants, les francs-tireurs, sans enquête, ni jugement. Du "Commandement - Ouest " comme du " Commandement - France ", d'autres ordres se succédent, s'entremêlent continuellement: il faut faire preuve de fermeté, de rapidité, de violence, de brutalité absolue; il faut prendre "les mesures les plus dures ", comme le dit l'instruction du 8 Juin 1944 du "Commandement - Ouest ", que reçoivent tous les généraux locaux et leurs inférieurs immédiats. Puis, c'est un nouvel ordre concret celui - là: la deuxième division blindée " Das Reich " doit passer à l'action dans la nuit du 7 au 8 Juin, dans le secteur Tulles - Limoges ... " Et Kruuse continue en évoquant un nouveau massacre: la pendaison de 99 habitants de Tulle, le 9 Juin 1944 ...

En fait, il suffirait presque d'évoquer l'atmosphère de terreur, le souci d'une sévérité sans cesse accrue, pour démontrer que le massacre, le fait de massacrer les civils et de brûler leurs habitations, est une activité considérée, à l'époque, comme à peu près normale par la grande majorité des forces d'occupation allemandes. Qu'on nous permette pourtant d'y ajouter une nuance qui semblerait dommage d'oublier : la désinvolture... 

C'est encore dans une citation de Jens Kruuse que nous en trouverons le plus beau signe : "L'évêque de Limoges, rappelle l'historien danois, envoya au général commandant les troupes allemandes une lettre conçue en termes enegiques et enflammés. Le général envoya officiellement à Oradour une commission d'enquête composée d'officiers de la Wehrmacht. Ils arrivèrent le jeudi et rapportèrent à Limoges les poulets et les canards qui erraient encore parmi les ruines."

S'il était besoin d'une preuve ultime que les massacres de populations civiles par les forces armées allemandes ne furent pratiquement jamais des actes isolés dus à une initiative trop impulsive ou à la colère affolée d'un subalterne mais qu'au contraire presque tous, sinon la totalité, ont, sur tous les fronts et à toutes phases de la guerre, procédé d'une entreprise de massacre voulue et favorisée, sinon même planifiée, cette preuve on la trouverait dans la similitude de déroulement des meurtres et incendies collectifs, dans le fait qu'il existe un schéma de massacres ne comportant qu'un nombre restreint de variantes et qui réapparaît à chaque fois que l'on se penche sur les ruines qui signalent encore les bourgs et les villages effacés de la carte.

 

414px-Carte division das reich mai juin 1944

 

 

Dans son ouvrage Trafics et crimes sous l'occupation, Jacques Delarue a décrit et étudié le comportement et l'action d'une division SS, la division "Das Reich" en 1944, en France. [...] Après avoir rappelé une série d'exactions et de massacres commis dans le département du Lot à la mi-mai 1944, Delarue ajoute : "Ainsi s'acheva cette vaste opération qui devait "purger" le Lot de ces maquis et de ces groupes de résistants mais qui n'avait atteint aucun de ses objectifs. Si des résistants avaient effectivement été frappés, cela n'avait été que par hasard et la population "non engagée" avait été durement atteinte. Du point de vue strictement militaire, elle se soldait par un échec total, malgré l'énormité des moyens mis en oeuvre. Le plus grand intérêt de cette opération d'ensemble, soigneusement organisée et exécutée sous le contrôle de toutes les autorités hiérarchiques de la division "Das Reich" est que l'on y voit apparaître, dans chaque village, les mêmes mécanismes, les mêmes méthodes d'exécution : encerclement du village, neutralisation des bâtiments administratifs, la gendarmerie, la mairie, parfois la poste, puis rassemblement des hommes sur la place publique, parfois après appel du tambour de ville, après quoi commencent les exactions qui vont jusqu'au meutre et à l'incendie. Ce déroulement des étapes successives de l'opération manifestement mis au point depuis longtemps et parfaitement "rodé" sera reproduit partout et appliqué dans ses grandes lignes jusqu'aux massacres de Tulle et d'Oradour. Il faut donc bien conclure que ces crimes de masse ont été accomplis, comme les opérations précédentes, en exécution d'ordres précis et selon les règles habituelles des corps SS." Un peu plus loin, toujours à propos de crimes commis dans le Lot par la division "Das Reich" mais, cette fois, au début du mois de juin, le même auteur remarque : "Cette longue suite de meurtres, de pillages, d'incendies s'était déroulée sans que les SS paraissent à aucun moment chercher à rejoindre ou à découvrir les maquisards qui avaient organisé l'embucade du matin. La colonne avait simplement suivi la route nationale sans s'en écarter en tuant les habitants des maisons qui la bordaient, en pillant et en incendiant ces maisons. Les habitants ne furent pas interrogés. On ne cherchait pas, semble-t-il, la moindre piste, l'indice qui aurait permis d'établir une complicité des populations avec les maquisards, ou le renseignement qui aurait permis de les retrouver. Il s'agissait, non pas d'une opération militaire, mais d'une opération de terreur dirigée uniquement contre la population et frappant surtout ces éléments les plus inoffensifs, les femmes, les vieillards, les enfants. C'était, on le voit, la méthode habituelle des unités SS..." Evidemment, à ce schéma général, on pourrait ajouter une série de détails. Par exemple, cette constatation à propos de l'orientation des tirs faite par Jens Kruuse : "L'enquête semble prouver que, partout, les Allemands ont visé aux jambes (...). Puis les blessés ont été brûlés vifs. Les coups de grâce ont été rares. (...) Dans l'église, les salves succédaient aux salves. Les Allemands tiraient bas. Comme dans les granges, dans les garages ou dans les ateliers, ils ont visé aux jambes, à hauteur des voitures d'enfants qu'ils ont criblées de balles." ...

 

"Le dimanche vers 11 heures, les soldats de Dickmann quittèrent Oradour, leurs véhicules chargés de butin et d'animaux de basse - cour. Un camion remorquait une auto volée dans la rue, mais le câble s'étant rompu le camion heurta un pylône et blessa le conducteur. Ce départ anéantissement chez les habitants de la région toute illusion sur ce qui venait de se passer. Hyvernaud, cultivateur au Breuil, dont les deux fils - treize et six ans - étaient à l'école, se décida enfin à franchir le seuil de l'église aux murs noircis, encore fumants:

" A la recherche de mes enfants j'ai finalement retrouvé le cadet. Il gisait sur le côté, à moitié carbonisé ... Il portait encore une galoche. Son autre jambe était totalement désarticulée et repliée dans son dos. Sa gorge était à moitié tranchée ... "

Hyvernaud regagna Le Breuil à pied, demanda un drap à sa femme et repartit chercher le petit corps:

" Je poursuivis alors les recherches pour retrouver mon autre fils. Je m'agenouillais et scrutais les visages figés des enfants, l'un aprés l'autre, quand les traits permettaient encore de les reconnaitre. Derrière l'autel, agglutinés les uns aux autres comme s'ils avaient ensemble essayé de s'abriter là, il y avait au moins vingt petits enfants ... Tous avaient été asphixiés par la fumée ou brulés à mort. J'ai aussi vu des landaus avec des bébés carbonisés ou criblés de balles. Je suis alors rentré chez moi. Le soir nous avons creusé une tombe pour André dans notre courette."

 

Les ruines d'Oradour - sur - Glane sont restées telles qu' elles devinrent en cette journée du 10 Juin 1944. C'est un monument classé. Un nouveau village, d'un beige un peu triste, a été construit non loin, dans lequel, courageusement, Mme Rouffanche a choisi de finir ses jours.

A Tulle, le 9 Juin de chaque année, on peut remarquer des drapeaux en berne sur beaucoup de balcons et de lampadaires . [...] Chacun d'eux commémore le lieu exact du supplice des Tullistes pendus par la division "Das Reich" en 1944. Tulle n'a pas oublié. "

 

souvien1

 

 

 

Tulle n'a pas oublié; Oradour n'oubliera jamais; le Lot, la Dordogne, le Limousin n'oublierons jamais.

Frayssinet-le-Gélat n'oubliera jamais. Montpeyzat -de-Quercy n'oubliera jamais.

N'oublierons jamais Peyrillac, Sainte-Marie-de-Chignac, Mouleydier, Marsoulas, Buzet- sur - Baïse, Lhez, Maillé, Pouilly, Vizille, Saint-Didier, Ascq, Thauvenay, Robert-Espagne, Beurey-sur-Saulx et Couvonges ou Etobon.

Tous villes et villages français martyrs qui furent ,entre autres victimes de la barbarie nazie. 

N'oublions jamais. 

 

 

Le 9 Juin 2014. 

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Sources: Alain Guérin " Du côté des Bourreaux "

 Max Hastings " La Division Das Reich "  

 

Crédits photographiques: Oradour.Info: link               

 

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